Entre cloud distribué, exigences de résilience et course au time-to-market, la DSI jongle rarement avec un unique infogérant. Selon une étude Whitelane, dans 70 % des grands groupes français, au moins trois fournisseurs gèrent simultanément infrastructures, workplaces et cybersécurité. L’équation se complique : plus d’acteurs, plus de contrats, plus de risques contractuels invisibles. Résultat, la dérive silencieuse, avec dépassements budgétaires lissés, responsabilités floues, failles de service qui n’apparaissent qu’en cas de crise. Alors comment piloter ce mille-feuille sans perdre la vue d’ensemble ?

L’état de l’infogérance en France 2025 : un marché vaste, segmenté et sous pression

En 2025, l’externalisation IT continue de peser lourd dans l’économie numérique hexagonale. Numeum chiffre le marché global du numérique à plus de 70 milliards €, dont près de la moitié portée par les ESN et activités d’infogérance.

La croissance reste positive, mais elle se tasse : les perspectives publiées fin 2024 tablent sur +4,1 % pour 2025, très loin des hausses à deux chiffres observées juste après la pandémie.

Dans ce volume, les services liés à la cybersécurité accélèrent : ils devraient représenter pas moins de 62 % des dépenses cyber en France, soit près de 5 milliards € en 2025, tirés par l’externalisation des SOC et la gestion d’accès à distance.

Dans ce contexte, le multisourcing s’impose comme la norme. Whitelane observe que sept grandes entreprises françaises sur dix confient désormais leurs services IT à au moins trois fournisseurs. Cette dispersion répond à un double besoin : accéder à des expertises pointues (cloud, data, cybersécurité) et réduire la dépendance à un partenaire unique.

Mais elle complexifie aussi le pilotage (voir plus bas)…

La même étude révèle que la « confusion sur la responsabilité » figure en tête des défis pour 62 % des DSI.

À ce contexte s’ajoute une pression économique. Les donneurs d’ordre, prudents, annoncent une hausse modérée de leurs budgets sourcing et cherchent avant tout à stabiliser les coûts et rééquilibrer les risques contractuels .

2025 pose donc un défi clair : sécuriser la chaîne de valeur sans étouffer sous la complexité contractuelle.

Le piège du multi-prestataires mal coordonné

Comme évoqué plus haut, multiplier les contrats donne accès aux meilleures expertises et limite la dépendance à un fournisseur unique, mais n pratique, cette configuration dilue les responsabilités.

Les symptômes apparaissent généralement assez vite : tickets qui rebondissent d’un support à l’autre, doublons d’outils de supervision et « zones grises » où chacun estime que l’autre doit intervenir. La résolution d’incident se prolonge lorsqu’il faut identifier le bon interlocuteur, générant un « drain continu » sur la productivité.

Autre illusion plutôt courante : croire qu’un maillage de SLA suffit pour piloter automatiquement la relation.

Les accords de niveau de service servent de garde-fous mais ne disent absolument rien des frictions d’interface. Un lien WAN saturé peut respecter le délai de réparation contractuel tout en perturbant un déploiement applicatif sensible. Les SLA cloisonnés par fournisseur créent donc une image fragmentée…et la performance globale se dégrade sans jamais franchir la ligne rouge contractuelle.

Quand le contrat devient silencieux… les risques s’accumulent

Un contrat « muet » ne fait plus résonner ses indicateurs. Les backlogs gonflent, les incidents mineurs non priorisés s’empilent et aucun plan correctif n’est enclenché.

Sans reporting consolidé, les comités mensuels se vident de leur substance. Les KPI ne sont pas alignés, la transparence s’étiole et le pilotage devient un exercice de style.

Mais le danger majeur reste ici la dépendance invisible. À force d’ajouts hors périmètre, un seul prestataire finit par contrôler des pans entiers du SI. La clause d’assistance croisée prévaut sur le papier mais l’opérationnel découvre qu’aucun autre acteur ne possède la connaissance suffisante pour reprendre.

L’entreprise se trouve enfermée dans un contrat devenu incontournable, donc non négociable, et la capacité de renégociation s’effondre au moment critique… Ouch !

Comitologie et gouvernance : les fondations du pilotage contractuel

Un multi-prestataires se pilote comme un portefeuille financier : on diversifie, on suit, on réalloue. Le socle tient sur trois instances claires :

  • Un comité opérationnel hebdomadaire pour incidents et capacités.
  • Un comité de pilotage mensuel pour KPI, projets en cours et alertes financières.
  • Un comité stratégique trimestriel pour feuille de route et risques émergents.

Bien évidemment, ces réunions n’ont de valeur qu’à condition de disposer d’un suivi structuré, outillé et partagé.

C’est là que des dispositifs comme les tableaux de bord de pilotage des contrats apportent une réelle valeur, en permettant une lecture fine des performances, des écarts, et des points de tension à adresser contractuellement.

Les organisations qui automatisent ce reporting réduisent généralement le temps consacré aux revues fournisseurs. Aussi, un même dashboard partagé limite les discussions subjectives, révèle les SLA en dérive et sécurise la traçabilité pour l’audit interne.

Structurer la relation pour créer de la valeur

Retenez ici que la gouvernance doit refléter les enjeux métiers avant les métriques techniques. Un comité opérationnel qui discute uniquement des temps de reprise ignore l’impact business d’une micro-coupure sur les ventes en ligne.

Aligner les comités signifie inviter la direction e-commerce pour juger un incident front-office ou les RH pour qualifie un retard de paie. Ce cadrage transverse ouvre la porte à une dynamique d’amélioration continue : chaque trimestre, les fournisseurs proposent un plan de progrès et le DSI l’évalue à l’aune des objectifs stratégiques.

Cette boucle n’est bien sûr viable que si la gouvernance évolue avec la maturité des acteurs et l’évolution du SI.

Aux débuts du contrat, les réunions sont fréquentes et détaillées. Quand la confiance s’installe, le comité pause sur les incidents majeurs et s’oriente vers l’innovation : RPA du support, automatisation FinOps, mutualisation des licences. La valeur se mesure alors en économies partagées, mais aussi en capacité d’innovation intégrée au contrat plutôt qu’achetée en supplément.